C'est drôle. C'est drôle parce que je me considère comme une fille entièrement désintéressée par tout ce qui touche à la nature et qu'en ce moment même je suis en train de me promener le long d'un enclos à chevaux. C'est drôle parce que je crève de froid mais que je voulais a-b-s-o-l-u-m-e-n-t mettre ma nouvelle jupe taille haute qui m'arrive à peine aux genoux. C'est drôle parce qu'avec le froid, mes yeux pleurent et que mon maquillage coule. C'est drôle parce que je me sens tellement perdue...
J'ai toujours rêvé de pouvoir faire du cheval... Mais avec des parents comme les miens, il n'en était pas question. Comprenez, une chute et la vie pourrait m'être ôté! Je lève les yeux aux ciels en soupirant. Et puis, je me rends compte que maintenant, je pouvais. Je pouvais faire du cheval. Mes parents ne peuvent pas m'en empêcher, plus maintenant.
Ouais mais comment? il n'y a pas un chat ici. Ou devrais-je dire, il n'y a que des chevaux. Et moi. Ce qui, en y réfléchissant bien, n'est pas du tout rassurant. On est à Berlin, où sont tous les êtres humains fanas de la nature qui peuplent cette ville?! Je veux dire, d'accord, il est sept heures du matin mais ces gens-là ne se lèvent pas plus tôt pour regarder la nature s'éveiller? Je crois que je me suis trop enfoncée dans cette foutue nature. Nature artificielle en plus. Foutue, foutue, foutue nature artificielle. Et mes bottes basses Maje sont pleine de terre... C'est affreux. Pourquoi je suis ici déjà? Les chevaux? Mais on s'en fiche bien de ces bestioles alors que mes bottes souffrent!
Allons, allons, reprends-toi Lena, tout va bien. Rappelle-toi, c'est drôle. C'est drôle mais je n'ai plus aucune envie de rire, ni de faire du cheval. J'ai envie de rentrer mettre un jeans et essayer de ranimer mes bottes.
Je fais donc demi-tour. De loin, j'aperçois des gens. Voilà où ils étaient ces pecnots. Je les déteste. Plus près, il y a un banc. Bien. Je vais m'assoir deux secondes, ça ne me fera pas de mal et au moins, les pecnots ne me voient pas d'ici. Pas question qu'on pense que je traine ici, ce serait tellement dégradant. Ma place est dans les magasins après tout.
Heureusement, j'ai pensé à ramener mon Gucci. Enfin, de toutes façons, une fille sans sac, ce n'est plus vraie une fille. C'est tellement indispensable! Voyons, ce que j'ai sur moi... Mon portefeuille, du maquillage, des fringues (et un jeans!), mon portable, de quoi écrire, des gants... Merci Dieu! Je les enfile et constate agréablement que ces gants réchauffent instantanément mes doigts tellement gelés qu'ils frisaient la congélation.
Les choses se compliquent. J'ai maintenant très froid aux jambes et il y a ce jeans dans mon sac qui m'appelle... Bon, qu'est-ce que je risque? Personne ne me verra. Et si on me voit, où est le mal? Je suis carrément bien foutue comme gonzesse, non?
Je commence à enlever mes bottes quand j'ai soudainement l'impression qu'on me regarde. Impression que je met vite sur le compte de la paranoïa. Je descends ma jupe et je mets, le plus rapidement possible, mon jeans. Sauf qu'arrivée à la fermeture, je galère à cause de mes gants. Mais il est hors de question que j'enlève ces merveilles, elles me tiennent tellement chaud, et je suis sûre qu'en insistant un peu je vais y arriver... Oh mon dieu. J'étais tellement concentrée que je n'ai entendu venir personne pourtant une voix s'est élevée juste derrière moi. J'ose à peine me retourner pour entrevoir la personne qui, j'en suis sûre, m'observait depuis un moment déjà.